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Prescription : le décès de l'emprunteur et le devenir des créances à exécutions successives

Dans un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021, les faits soumis sont les suivants. Un homme a souscrit deux prêts bancaires le 31 octobre 2006. Le 7 mai 2015, cet emprunteur décède. L’établissement de crédit va attendre deux ans et demi pour prononcer la déchéance du terme, le 5 décembre 2017. Un huissier de justice a ensuite délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente aux héritiers de l’emprunteur le 19 janvier 2018. Or, la créance est frappée de prescription pour les héritiers.

En appel, l’argumentation développée par les héritiers prospère. En effet, les juges du fond ont considéré que le délai de prescription de 2 ans en cette matière (art. L. 218-2 C. conso) avait commencé à courir au jour où la banque avait eu connaissance de l’identité des héritiers, en décembre 2015. Ainsi, le commandement de payer délivré en 2018 était, pour la cour d’appel, tardif.

Le point de départ de la prescription des sommes restant dues sur au décès de l'emprunteur

Dans son arrêt du 20 octobre 2021, la Première chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle ainsi le principe de la division de la prescription (Civ. 1ère, 11 fév. 2016, n°14-22.938 ; 14-27.143 ; 14-28.383 ; 14-29.539). En effet, en matière de créance à exécution successive, la prescription « court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l’emprunteur ». La solution à cette question était connue et classique.

En revanche, elle précise les conséquences du décès du débiteur sur le point de départ de la prescription du solde. En effet, la cour d’appel avait considéré que la prescription commençait à courir au jour où l’établissement bancaire avait été informé de l’identité des héritiers de l’emprunteur. Or, la Cour de cassation vient ici distinguer deux hypothèses :

  • Soit l’établissement de crédit connaît l’identité des héritiers du débiteur décédé au jour où il prononce la déchéance du terme. Dans ce cas, la prescription commencera à courir à la déchéance du terme.
  • Soit l’établissement de crédit ne connaît pas l’identité des héritiers du débiteur décédé au jour où il prononce la déchéance du terme. Alors, la prescription commencera à courir au jour de la révélation de leur identité.

Quid de la prescription au cas d'espèce ?

En l’espèce, l’emprunteur est décédé en mai 2015. Les échéances du prêt ont continué à courir jusqu’au prononcé de la déchéance du terme pour le solde restant dû, en décembre 2017. La banque a délivré un commandement de payer en janvier 2018. Dès lors, les échéances impayées qui ont couru entre le mois de mai et décembre 2015 sont prescrites. En effet, un délai de 2 ans s’est écoulé entre celles-ci et la délivrance du commandement de payer. 

Toutefois, la banque était informée de l’identité des héritiers au moment où la déchéance du terme était prononcée. Un nouveau délai de 2 ans pour les sommes restantes a donc commencé à la déchéance du prêt. Soit le 5 décembre 2017. Ainsi, la prescription n’était pas encore acquise ni pour les sommes échues depuis janvier 2016 jusqu’en novembre 2017, ni pour le capital restant dû au jour de la déchéance du terme. 

Civ. 1ère, 20 oct. 2021, n°20-13.661, FB

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